La loi du 15 mai 2024 portant des mesures dans la lutte contre le surendettement et de protection des entreprises en difficultés a été publiée au Moniteur belge le 1er juillet 2024 et est entrée en vigueur le 11 juillet 2024 (il est toutefois prévu un régime d’entrée en vigueur différé pour les mesures qu’elle prévoit).
La raison d’être de cette loi est d’éviter que des personnes qui éprouvent déjà des difficultés financières soient confrontées inutilement à une procédure judiciaire et aux frais de justice y afférents, voire plus tard à des frais d’exécution forcée par l’huissier de justice.
On y retrouve aussi le souhait de détecter le plus rapidement possible les créances qui ne peuvent être récupérées en raison de problèmes financiers temporaires ou structurels et d’orienter le débiteur vers les services compétents.
En résumé, l’objectif est d’éviter et de rompre la spirale de la dette 1.
Afin de réaliser ces objectifs, des modifications sont apportées dans les matières suivantes :
- La prescription ;
- Les compétences du juge de paix ;
- Les missions de l’huissier ;
- Le fichier central des avis de saisies ;
- Les plans de paiement ;
- La saisie-exécution mobilière.
1. La prescription
En principe, le juge ne peut pas soulever d’office la prescription.
Cependant, la loi du 15 mai 2024 introduit une exception à ce principe en prévoyant que, dans le cadre des procédures en paiement d’une dette d’argent entre une entreprise et un consommateur, le juge peut soulever d’office la prescription 2.
Cette dérogation est entrée en vigueur le 1er octobre 2024.
2. Le juge de paix
Depuis le 1er octobre 2024, deux nouvelles compétences exclusives ont été attribuées au juge de paix.
Par conséquent, peu importe le montant du litige, il est désormais compétent :
- pour les litiges entre une personne physique et un prestataire médical ou paramédical concernant le paiement des services ou fournitures effectués/délivrées par ce dernier;
- pour les litiges entre une personne physique et un établissement scolaire concernant le paiement des services ou fournitures effectués/délivrées par ce dernier.
3. Les missions de l’huissier
Depuis le 1er octobre 2024, l’huissier a l’obligation de consulter le fichier central des avis avant d’entamer toute procédure de recouvrement judiciaire ou extrajudiciaire 3.
De plus, lors de la signification d’une citation de payer ou d’un jugement condamnant au paiement d’une somme d’argent, l’huissier doit y joindre une fiche informative concernant les solutions judiciaires et extrajudiciaires auxquelles le débiteur peut recourir pour rétablir sa situation financière ou demander un plan de paiement. L’objectif de l’huissier doit être de privilégier les solutions amiables 4.
Dans un second temps, à compter du 1er janvier 2025, l’huissier aura l’obligation de suivre une formation pratique axée sur les compétences de communication et de facilitation, organisée ou agréée par la Chambre nationale des huissiers de justice 5.
Enfin, à partir du 1er juillet 2025, trois nouveaux avis seront créés et il reviendra à l’huissier de les déposer dans le fichier central :
1. Un avis de contrôle de probabilité d’insolvabilité
Quand l’huissier constate que la continuité des activités de l’entreprise débitrice serait menacée à court ou moyen terme, il dépose un avis de contrôle de probabilité d’insolvabilité au fichier et le notifie par écrit à l’intéressé. Cet avis est uniquement accessible à l’huissier, au Tribunal de l’entreprise et à la Chambre des entreprises en difficulté. Il est automatiquement radié 3 mois après son dépôt au fichier.
2. Un avis de constat de carence
Quand l’huissier constate que les biens saisissables du débiteur sont d’une valeur manifestement insuffisante pour couvrir les frais de la procédure, il dépose un avis de constat de carence dans le fichier. Cet avis est automatiquement radié 3 mois après son dépôt au fichier.
3. Un avis de médiation de dettes amiable
Quand le médiateur de dettes entame une médiation de dettes amiable, il fait déposer par un huissier de justice qu’il désigne, un avis de médiation de dettes amiable dans le fichier des avis. Le médiateur qui est huissier dépose cet avis lui-même.
L’avis de médiation de dettes amiable est radié à la demande du médiateur de dettes ou automatiquement après 5 ans.
Aucun frais ne peut être facturé pour le dépôt et la radiation de cet avis par l’huissier au médiateur de dettes 6. Ces frais seront pris en charge par le Fonds de solidarité de la Chambre nationale des huissiers de justice.
Par ailleurs, toujours à partir du 1er juillet 2025, lorsque l’huissier constatera que le débiteur fait l’objet d’un avis de règlement collectif de dettes ou d’un avis de médiation de dettes amiable, il informera le médiateur de sa mission et du montant de la créance (soit par voie électronique, soit par tout autre moyen) 7. Le cas échéant, le médiateur aura un délai d’un mois pour formuler à l’huissier des propositions concrètes. En cas d’absence de réponse du médiateur ou à défaut d’accord sur la proposition formulée, le recouvrement pourra se poursuivre.
4. Le fichier central des avis de saisie
A partir du 1er juillet 2025, en plus des avis de saisie, de délégation, de cession, de protêt 8 et de RCD, le fichier centralisera également les avis de constat de carence, de contrôle de probabilité d’insolvabilité, de médiation de dettes amiable, d’adresse fictive probable, de réorganisation judiciaire, de transfert sous autorité judiciaire, de faillite 9.
En conséquence, l’huissier devra également prendre connaissance, déposer, supprimer et/ou modifier ces nouveaux avis 10.
Par ailleurs, toutes les personnes enregistrées au fichier des avis auront le droit de prendre connaissance de leurs propres avis (soit par voie informatique, soit avec l’assistance d’un huissier de justice) 11.
5. Plan de paiement
La loi du 15 mai 2024 encadre la conclusion d’un plan de paiement en prévoyant 3 mesures.
La première mesure consiste à suspendre les voies d’exécution lorsqu’un plan de paiement, établi par l’intervention de l’huissier, est respecté.
La seconde mesure prévoit qu’en cas de conclusion d’un plan de paiement, celui-ci doit être confirmé par courrier simple ou par voie électronique et préciser en quoi consistent les facilités de paiement, avec mention expresse des montants et des délais de paiement.
La troisième mesure concerne le non-respect du plan de paiement. Le cas échéant, l’huissier doit envoyer un rappel précisant qu’en cas de non-respect, l’exécution se poursuit immédiatement après un délai de 8 jours calendrier. Ce délai démarre à compter du 3e jour ouvrable suivant la date d’envoi du rappel ou à compter du jour calendrier qui suit celui où le rappel est envoyé, en cas d’envoi par voie électronique 12.
Ces trois mesures sont entrées en vigueur le 1er octobre 2024.
6. Saisie-exécution mobilière
Finalement, la loi apporte plusieurs modifications en matière de saisie-exécution mobilière.
Désormais, l’huissier de justice a l’obligation de refuser la vente, s’il estime que la valeur des biens saisis ne suffira manifestement pas à couvrir les frais de vente, sauf s’il existe des motifs légitimes justifiant que la vente soit effectuée 13.
Par ailleurs, la loi modifie le délai dans lequel le débiteur doit être averti si la vente se fait un autre jour que celui annoncé. Depuis le 1er octobre 2024, ce délai est passé de 4 à 10 jours avant la vente 14.
Enfin, des changements sont apportés à la procédure de saisie par récolement et extension et à la procédure de saisie rendue commune.
Initialement, ces deux procédures ont été créées afin d’éviter des frais inutiles et la succession d’inventaires de biens par plusieurs huissiers de justice, lorsqu’un débiteur fait l’objet de plusieurs actes de saisie mobilière successifs.
Cependant, ces procédures présentaient plusieurs inconvénients qui empêchaient d’y recourir efficacement, raison pour laquelle le législateur a décidé d’y apporter des modifications. L’objectif de celles-ci est d’optimaliser et digitaliser la communication entre huissiers de justice saisissants et apporter plus de lisibilité à ces procédures de manière à renforcer leur compréhension et leur utilisation 15.
Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er octobre 2024.
En conclusion, on peut relever que, même si la loi du 15 mai 2024 impacte principalement les huissiers de justice, la médiation de dettes amiable est directement concernée par certaines mesures, à savoir la création d’un avis de médiation de dettes amiable ou encore l’obligation pour l’huissier d’informer le médiateur de sa mission et du montant de sa créance lorsqu’il constate un avis de médiation de dettes amiable.
Un peu plus indirectement, les mesures relatives au plan de paiement ont également une incidence pour la médiation de dettes amiable, surtout celle prévoyant la suspension des voies d’exécution lorsqu’un plan de plan de paiement établi par l’intervention de l’huissier est respecté.
Globalement, les obligations consacrées par la loi semblent favorables au débiteur.
Toutefois, il est à regretter qu’aucune sanction ne soit prévue en cas de non-respect par l’huissier de ces obligations ; ne laissant ainsi que les voies de recours habituelles (Juge des saisies et/ou Chambre nationale des huissiers de justice) qui sont, on le sait, peu souvent utilisées par le public surendetté.
1 Projet de loi portant des mesures dans la lutte contre le surendettement et de protection des entreprises en difficultés, exposé des motifs, Doc., Ch., 2023-2024, n° 55-3883/001, p.4
2 Article 2 de la loi du 15 mai 2024 qui complète l’article 2223 de l’ancien Code civil.
3 Article 4 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 519 du Code judiciaire.
4 Article 4 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 519 du Code judiciaire.
5 Article 5 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 555/1 du Code judiciaire.
6 Article 11 de la loi du 15 mai 2024 qui insère l’article 1390 octies du Code judiciaire.
7 Article 13 de la loi du 15 mai 2024 qui insère l’article 1391 bis du Code judiciaire.
8 Un acte de protêt est un acte établi par un huissier de justice constatant le non-paiement d’un titre de paiement.
9 Article 7 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 1389bis/1 du Code judiciaire.
10 Article 7 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 1389bis/1 du Code judiciaire.
11 Article 12 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 1391 du Code judiciaire.
12 Article 14 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 1496 du Code judiciaire.
13 Article 17 de la loi du 15 mai 2024 qui complète l’article 1527 du Code judiciaire.
14 Article 15 de la loi du 15 mai 2024 qui modifie l’article 1521 du Code judiciaire.
15 Projet de loi portant des mesures dans la lutte contre le surendettement et de protection des entreprises en difficultés, exposé des motifs, Doc., Ch., 2023-2024, n° 55-3883/001, p.6.