La loi du 3 mai 2024 portant dispositions diverses en matière d’économie insère dans le livre XIX du Code de droit économique un Titre 3 intitulé « La médiation de dettes amiable ».
Cette loi est entrée en vigueur le 10 juin 2024 de sorte que les dispositions du Titre 3 s’appliquent à toute demande de médiation de dettes amiable introduite depuis cette date.
Le but de la loi est d’apporter un cadre légal à la médiation de dettes amiable. Le législateur y détaille les objectifs et le fonctionnement de la procédure ainsi que les obligations du médiateur et du débiteur.
Chapitre 1 : les principes généraux relatifs à la médiation de dettes amiable
La médiation de dettes amiable est définie dans ce chapitre comme une prestation de services, à l’exclusion d’un contrat de crédit, en vue de venir en aide de manière préventive et/ou curative à tout débiteur qui rencontre des difficultés financières ou est dans l’impossibilité de faire face à ses dettes exigibles ou à échoir 1.
Par débiteur, on vise tout débiteur personne physique 2.
La médiation de dettes amiable est donc ouverte à toute personne physique en situation d’endettement ou de surendettement, peu importe son statut social ou la nature de son endettement.
Quant aux objectifs de la médiation de dettes amiable, le législateur précise que le but est de trouver une solution durable aux difficultés financières et/ou aux problèmes de surendettement du débiteur. Elle vise à l’aider à respecter ses engagements envers ses créanciers dans la mesure où cela lui permet, ainsi qu’à sa famille, de maintenir des conditions de vie conformes à la dignité humaine 3.
Enfin, il est également précisé que la médiation de dettes amiable ne peut être entamée qu’à la demande du débiteur, autrement dit, elle doit avoir lieu sur base volontaire 4.
Chapitre 2 : le médiateur de dettes
Le législateur prévoit que la fonction de médiateur de dettes amiable ne peut être exercée que par :
- les avocats, les notaires ou les huissiers de justice dans l’exercice de leur profession ou de leur fonction ;
- les institutions publiques ou les institutions privées agréées par les autorités compétentes pour pratiquer la médiation de dettes amiable 5.
Concernant les avocats, notaires et huissiers, la loi précise qu’ils devront justifier d’une formation particulière en médiation de dettes amiable, ce qui est une nouveauté.
Par ailleurs, l’attention est portée sur le fait que le médiateur est un intermédiaire entre le débiteur et ses créanciers 6. Il en découle notamment que le médiateur a l’obligation de faire part de tout conflit d’intérêts envers le débiteur 7.
En conséquence, le médiateur ne pourra accepter ou poursuivre la médiation que si lui-même et le débiteur déclarent expressément que le conflit d’intérêts ne compromet pas son indépendance. Par exemple, si le CPAS est créancier du débiteur, il faudra une déclaration écrite des parties dans laquelle elles précisent que ça ne compromet pas l’indépendance du médiateur.
Le législateur précise également que le médiateur de dettes amiable peut, avec l’accord préalable du débiteur, prendre contact par tout moyen de communication avec toutes personnes et institutions aux fins de récolter les informations relatives aux dettes du débiteur qui sont nécessaires au traitement et au suivi de sa demande de médiation de dettes amiable 8.
La collecte et le traitement de ces informations sont régis par l’article XIX.30 du Code de droit économique.
Il y est notamment précisé que les données à caractère personnel doivent être conservées 10 ans à dater de la fin de la médiation de dettes amiable.
Enfin, il est prévu que le médiateur est tenu au secret professionnel 9.
Il pourra toutefois partager les informations en sa possession avec les créanciers à condition qu’elles soient strictement nécessaires à la mission et que le débiteur ait donné son accord au préalable.
Chapitre 3 : la procédure et les obligations du médiateur de dettes
Dans ce chapitre, il est prévu que la médiation de dettes amiable ne peut pas débuter avant la signature d’une convention entre le médiateur de dettes amiable et le débiteur. Cette convention doit reprendre une série de mentions qui sont listées à l’article XIX.25, §1er du Code de droit économique, à savoir :
- la divulgation de tout conflit d’intérêts existant au moment de la signature de la convention vis-à-vis du débiteur ainsi qu’une déclaration expresse précisant que l’éventuel conflit ne compromet pas l’indépendance du médiateur ;
- l’étendue du mandat du médiateur de dettes amiable ;
- l’objectif et les limites de la médiation de dettes amiable ;
- les droits et les obligations du médiateur de dettes amiable et du débiteur ;
- les procédures établies pour le traitement des plaintes du débiteur à l’encontre du médiateur de dettes amiable, les instances compétentes pour en connaître ainsi que les formes et délais à respecter ;
- les principes et règles applicables au traitement et à la transmission des données à caractère personnel conformément à l’article XIX.30 ;
- s’il y en a, les coûts liés à l’intervention du médiateur et/ou à la médiation de dettes amiable ;
- l’obligation d’information relative à l’exigence d’un accord préalable du débiteur quant à certaines démarches effectuées par le médiateur de dettes amiable au cours de sa mission.
Concernant cette dernière mention, il y a donc lieu d’indiquer dans la convention que par la signature de celle-ci, le débiteur est présumé donner son accord au médiateur pour :
- partager avec les créanciers les informations strictement nécessaires à l’exercice de sa mission ;
- prendre contact par tout moyen de communication avec toutes personnes et institutions aux fins de récolter les informations relatives aux dettes du débiteur qui sont nécessaires au traitement et au suivi de sa demande de médiation de dettes amiable ;
- solliciter des créanciers un décompte actualisé de leurs créances, accompagné des pièces justificatives.
Pour les autres cas où l’accord du débiteur est requis par le titre 3 (négociation avec les créanciers, proposition de remboursement et modification des modalités de remboursement), la charge de la preuve de l’accord du débiteur incombe au médiateur de dettes amiable.
Lors des premiers rendez-vous, le médiateur doit veiller à informer correctement le débiteur du cadre et des limites de la médiation de dettes amiable, des droits et obligations des parties ainsi que des solutions alternatives, après avoir évalué la pertinence d’une médiation de dettes amiable 10.
Dans le cadre de sa mission, le médiateur doit également :
- Prendre connaissance des situations familiale, financière, juridique et sociale du débiteur ;
- Établir avec le débiteur son budget. Celui-ci doit être conforme à la dignité humaine et correspondre aux besoins réels du débiteur ;
- Informer le débiteur sur les droits sociaux auxquels il peut prétendre ;
- Établir un inventaire des dettes du débiteur. Dans ce cadre, avec l’accord préalable du débiteur, le médiateur demande aux créanciers un décompte actualisé et vérifie la légalité des montants réclamés (cela implique une vérification des différents postes de la créance, de leur cause, de leur légalité, des délais de prescription 11…).
S’il y a motif à contestation, le médiateur en informe le débiteur ainsi que sur les suites à y réserver 12.
Sur base de ces éléments et avec l’accord du débiteur, le médiateur négocie avec les créanciers et leur fait part de propositions de remboursement réalistes 13, qu’ils sont libres de refuser ou d’accepter. Ils peuvent également soumettre une contre-proposition 14.
En cas d’accord sur la proposition de remboursement, le débiteur exécute lui-même les paiements 15.
Si la situation budgétaire du débiteur vient à changer, avec l’accord de ce dernier, le médiateur propose une modification des plans de paiement convenus 16.
Dans tous les cas, le créancier comme le débiteur conserve le droit de mettre fin à l’accord intervenu sans motif 17.
Si la médiation de dettes amiable échoue, le médiateur a l’obligation d’informer le débiteur des solutions alternatives 18.
Enfin, le législateur rappelle que la réussite de la médiation de dettes amiable n’est pas une obligation de résultat 19.
Chapitre 4 : les obligations du débiteur
Dans le cadre de la médiation de dettes amiable, le débiteur a l’obligation de collaborer de manière loyale et entière. Cela implique qu’il doit :
- effectuer les démarches administratives nécessaires ;
- communiquer tous les renseignements et les documents permettant d’établir sa situation familiale, financière, sociale et juridique ;
- prévenir de tout changement dans sa situation qui pourrait avoir une influence sur la médiation de dettes amiable ;
- ne pas entreprendre seul des démarches envers ses créanciers sans concertation préalable avec le médiateur 20.
Chapitre 5 : la fin de la médiation de dettes amiable
Ce chapitre prévoit que le débiteur peut mettre fin à la médiation à tout moment et sans motif 21.
Quant au médiateur, il ne peut mettre fin à la médiation de dettes que dans certaines situations, à savoir :
- lorsque le débiteur ne respecte toujours pas ses obligations (conformément à l’article XIX. 39) malgré l’envoi d’un premier avertissement. Le cas échéant, le médiateur doit en informer le débiteur sur un support durable en respectant un préavis d’au moins 1 mois ;
- lorsque le médiateur ne remplit plus les conditions d’indépendance visées aux articles XIX.21 et XIX.22. Le cas échéant, le médiateur doit en informer le débiteur sur un support durable en respectant un préavis d’au moins 1 mois ;
- lorsque la médiation de dettes amiable ne peut plus se poursuivre dans des conditions satisfaisantes. Le cas échéant, le médiateur doit en informer le débiteur sur un support durable en respectant un préavis d’au moins 2 mois ;
- lorsque l’institution publique agréée n’est plus territorialement compétente en raison du déménagement du débiteur. Le cas échéant, elle informe le débiteur dans les meilleurs délais sur un support durable 22.
Le médiateur doit également prévenir les créanciers de la fin de sa mission et ce, sur un support durable et au plus tard avant la fin de sa mission 23.
Chapitre 6 : les coûts de la médiation de dettes amiable
Le titre 3 du livre XIX du Code de droit économique se clôture avec la question du coût de la médiation de dettes amiable.
A cet égard, il est prévu que lorsque la médiation de dettes amiable est pratiquée par des institutions publiques ou privées agréées, celles-ci ne peuvent réclamer d’autres frais que ceux qui sont limitativement fixés par l’autorité régionale compétente qui fixe leurs conditions d’agrément 24, 25.
Quant aux avocats, notaires et huissiers de justice, ils peuvent fixer librement leurs frais et honoraires. Toutefois, ils doivent clairement informer le débiteur de ceux-ci mais également du fait que des alternatives peu onéreuses voire gratuites existent 26.
Conclusion
On constate que cette nouvelle législation formalise les différentes étapes de la procédure ainsi que les droits et obligations du médié et du médiateur, tout en préservant les concepts de dignité humaine, de liberté, de collaboration, d’autonomie et de créativité, qui sont l’essence même de la médiation de dettes amiable.
Par ailleurs, on constate également qu’aucune modification ou apport « révolutionnaire » n’est apporté. La procédure n’a donc pas été renforcée au niveau de ses effets vis-à-vis des créanciers : aucun moratoire n’est instauré, les créanciers restent libres d’accepter ou de refuser la médiation de dettes amiable ou encore d’y mettre un terme à n’importe quel moment sans motif.
Cependant, il est tout de même possible d’apporter certains effets « contraignants » à la procédure en faisant appel à d’autres dispositions légales, comme par exemple l’article XIX.9, §3 du Code de droit économique qui permet de suspendre le recouvrement pendant 45 jours en cas de demande de médiation de dettes amiable par le débiteur ; ou encore l’article 1496, alinéa 1er du Code judiciaire qui prévoit la suspension des voies d’exécution lorsqu’un plan de paiement, établi par l’intervention de l’huissier, est respecté.
En conclusion, une reconnaissance légale est enfin apportée à la procédure de médiation de dettes amiable, avancée importante en la matière, mais la réflexion doit se poursuivre…
1 Article XIX.16 du Code de droit économique.
2 Article XIX. 19 du Code de droit économique.
3 Article XIX. 17 du Code de droit économique.
4 Article XIX. 18 du Code de droit économique.
5 Article XIX. 20 du Code de droit économique.
6 Article XIX. 21 du Code de droit économique.
7 Article XIX. 22 du Code de droit économique.
8 Article XIX. 24 du Code de droit économique.
9 Article XIX. 23 du Code de droit économique.
10 Article XIX. 26 du Code de droit économique.
11 Projet de loi portant dispositions diverses en matière d’Economie (I), exposé des motifs (I), Doc., Ch., 2023-2024, n°55-3856/001 et 3857/001, p. 34.
12 Articles XIX. 28 et 29 du Code de droit économique.
13 Articles XIX. 31 et 32 du Code de droit économique.
14 Article XIX. 33 du Code de droit économique.
15 Article XIX. 34 du Code de droit économique.
16 Article XIX. 35 du Code de droit économique.
17 Article XIX. 36 du Code de droit économique.
18 Article XIX.37 du Code de droit économique.
19 Article XIX.38 du Code de droit économique.
20 Article XIX. 39 du Code de droit économique.
21 Article XIX. 40 du Code de droit économique.
22 Article XIX. 41 du Code de droit économique.
23 Article XIX. 42 du Code de droit économique.
24 Article XIX. 43 du Code de droit économique.
25 Dans la pratique, aucun frais n’est réclamé par les institutions. La médiation de dettes amiable pratiquée par ces services est donc entièrement gratuite.
26 Article XIX. 44 du Code de droit économique.